Publié le 1 février 2021 Mis à jour le 3 avril 2023
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Brève scientifique.

La tectonique des plaques est rendue possible par le déplacement de la lithosphère sur l’asthénosphère via un découplage mécanique entre ces deux parties du manteau terrestre. Cette limite entre la lithosphère et l’asthénosphère correspond à une région de ralentissement de la vitesse des ondes sismiques (low-velocity zone, LVZ). Ce ralentissement est généralement interprété comme le témoin de la présence de liquide produit par la fusion du manteau. Près des rides médio-océaniques, l’origine du liquide peut être reliée à l’ascension de l’asthénosphère à l’aplomb de la ride. Loin des rides, par contre, la présence de liquide est plus difficile à expliquer compte-tenu du régime thermique, la température du manteau étant inférieure à son solidus, c’est-à-dire la température du début de la fusion.

L’étude des chercheurs du laboratoire Magmas et Volcans (LMV – UCA/CNRS/IRD) associés à des équipes du Laboratoire Chrono-Environnement (Besan?on), de l’UMET (Lille), de l’ISTO (Orléans) et du synchrotron européen ESRF, suggère la présence de carbonates fondus disséminés dans le manteau océanique, au niveau de la limite entre la lithosphère et l’asthénosphère. Gr?ce à leurs travaux de recherche, combinant expérimentation à haute pression et haute température, modélisation des réactions métamorphiques et diffraction des rayons X in-situ gr?ce au rayonnement synchrotron, les scientifiques ont pu reproduire expérimentalement les deux étapes d’introduction du carbone.

La lithosphère porte, dans sa partie superficielle, des carbonates (sédiments ou altération des fonds océaniques). Lorsqu’elle vieillit, sa densité augmente et elle plonge dans le manteau (phénomène de subduction). Les carbonates sont réchauffés, ce qui conduit à leur décomposition, libérant du  CO2 en profondeur. C’est la première étape d’introduction du carbone. Le CO2, ainsi introduit, est ensuite entra?né à de plus grandes profondeurs (deuxième étape) jusqu’à atteindre des pressions ou cette fois-ci, c’est la fusion qui intervient. Les carbonates fondus qui en résultent, présentent une forte capacité d’infiltration et une grande mobilité qui permettent leur dissémination rapide sur de grandes distances. La zone imprégnée est limitée d’une part vers le haut par les réactions de décarbonatation (le CO2 est piégé dans la lithosphère et stabilisé) et d’autre part vers le bas par les réactions de réduction du carbone en graphite et diamant (figure 1).

Figure 1: Synthèse du modèle de production et de migration des carbonates fondus (points rouges sur fond jaune) dans le manteau. La zone de circulation du liquide est indiquée en vert clair. Dans la lithosphère (orange), le carbone est stable sous forme CO2. Dans l’asthénosphère (vert foncé) le carbone est réduit en graphite / diamant. Les flèches en rouge indiquent les contextes dans lesquels les carbonates fondus peuvent être extraits et, dans certains cas, échantillonnés (d’après Hammouda et al., Geophysical Research Letters 2021, 48,2).

La composition de certaines laves produites en contexte océanique (rides avortées fossiles, petits spots, métasomatisme de points chauds), qui présente des carbonates fondus ou des traces d’un processus les impliquant, corrobore la proposition d’existence d’un niveau enrichi en carbone à l’échelle globale sous les océans.

Etant donné la datation des premiers sédiments carbonatés et des débuts de la tectonique des plaques dite ? moderne ?, aux alentours de 3 milliards d’années, les chercheurs font l’hypothèse que l’existence d’une telle couche carbonatée pourrait avoir été à l’origine de la stabilisation de cette tectonique des plaques moderne.
 

Source :

Hammouda, T., Manthilake, G., Goncalves, P., Chantel, J., Guignard, J., Crichton, W., & Gaillard, F. (2021). Is there a global carbonate layer in the oceanic mantle? Geophysical Research Letters, 48, e2020GL089752. https://doi.org/10.1029/2020GL089752


Revue de presse :

Contact :
Tahar HAMMOUDA, Laboratoire Magmas et Volcans, Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand – Université Clermont Auvergne :